Votre histoire

« Vous êtes au courant que je pourrais mettre fin à mes jours et envoyer votre bateau par le fond dans la foulée ? » L’homme me regarda sans broncher, guère impressionné. Je lui rendais le même regard, même si ma joue tuméfiée n’aidait pas. Je n’étais réellement pas impressionnée, je me sentais juste en colère. Mais je ne l’affichais pas, parce que la colère est une émotion qui vous empêche de réfléchir correctement. Je ne me laisse pas guider par mes émotions, elles n’auront jamais le dessus sur moi. Le silence s’installe, il le laisse planer, lourd et inconfortable. « Vous êtes au courant que mes hommes savent où vit votre père » Point que j’avais négligé. Que je perde la vie en faisant couler son bâtiment, passe encore, mais qu’après ma mort ses hommes encore en vie viennent s’occuper de mon père par la suite, hors de question. Je ne répondis rien, soutenant son regard effrontément. Mon père était la seule famille à qui je tenais. Aujourd’hui aveugle, il ne pouvait plus travailler et j’avais repris l’affaire familiale. Mais ce genre d’affaire ne marche pas des masses quand il est dirigé par une femme. J’ai mis des années à convaincre les clients de mon père que j’étais aussi douée que lui, voire plus. Depuis peu, j’avais fait ma réputation sur l’île de la Colombe et j’exportais également mes explosifs à l’extérieur de l’île. Aujourd’hui, j’étais sur un bateau en compagnie du sombre capitaine du Flambeau, avec qui personne ne voulait se trouver en tête à tête. Je n’avais pas non plus envie d’être là. Mon père m’avait formée à son image et maintenant, c’était mon plus grand problème. Je n’avais pas envie de travailler pour cet homme. Pas quand on me demandait de ne lui être qu’exclusive. Je travaillais pour tout le monde, sans discrimination et récemment, j’avais mis la main sur un client en or. Le Capitaine de la Colombe m’achetait mes explosifs, mes dernières trouvailles, mais au même titre que d’autres personnes bien entendu. Pirates ou armées de terres, peu importe. Mais visiblement, quelqu’un désirait que je ne travaille uniquement pour lui et que j’oublie le reste de ma clientèle. Cet homme avait malheureusement les arguments pour me faire céder. Il aurait parlé de ma mère, de mon frère ou de mes sœurs que j’aurais peut-être pris le risque, mais mon père, ce n’était pas envisageable. Ne me jugez pas pour ce que je viens de dire. Ma famille m’a complètement tourné le dos quand un médecin a décrété que je ne pourrais jamais avoir d’enfant. Je n’étais donc plus bonne à marier, un poids lourd pour ma mère à qui je ne donnerais jamais de petits-enfants et qui faisait de moi une femme inférieure par rapport à mes sœurs qui elles, étaient mariée et mère jusqu’au cou. Mon frère lui, me haïssait parce que l’affaire de notre père m’était revenue à moi et à moi seule. Il n’a pas suivi la même éducation que moi, il n’avait pas la même intelligence que moi et n’a jamais réussi à m’égaler dans ces disciplines. J’étais la meilleure et il ne le supportait pas. Je ne me vante absolument pas. Il ne s’agit que de faits incontestables. Aujourd’hui, mon frère est père de famille, il ne devrait pas se plaindre, il a tout ce que moi je ne peux avoir. Mon savoir déplait aux hommes, aucun homme ne désire une épouse plus intelligente que lui. Ça ne m’empêchait pas de prendre mon pieds quand je le désirais, mais je n’espérais pas qu’un jour, je me retrouve mariée et « heureuse ». Je n’ai pas besoin d’un mariage pour être heureuse. J’étais très satisfaite de ma vie actuelle. Du moins, jusqu’à ce que des hommes débarquent chez moi et m’enlèvent de force jusqu’ici. Et je peux vous assurer que ce ne fut drôle pour aucun parti. Je sais me battre et je ne suis pas sûre qu’ils s’y attendaient. Mais les types qui sont venus me chercher n’étaient pas de petites frappes. Ce que résultait ma présence en ces lieux, les poings liés dans le dos parce que j’avais griffé l’un des matelots au visage. J’avais cessé de me battre en arrivant devant le capitaine. Il faut dire qu’il a de quoi calmer. On se regardait là, défiant l’autre de notre regard dur, bien que le sien puisse passer pour plus effrayant. Je ne suis pas effrayante, je suis distante et rigide. Mais j’avais déjà fait mon choix : « Bien alors : c’est un plaisir de faire affaire avec vous Capitaine… »

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