Le calme avant la tempête, c'était ainsi qu'on pouvait appeler le silence de Rivers. Le Flambeau approchait savamment de l'île de leur destination, dirigé par une main de maitre, un barreur exceptionnel. Mais si Rivers était calme, c'était le cas de l'ensemble du navire, il était assis à coté de James en train d'affuter calmement son épée, être courageux ne servait à rien si l'on est mal armé n'est-ce pas ? Mais Rivers n'était pas à se plaindre sur ce niveau là, il avait bien assez pour se défendre : épée, couteau dans chacune de ses botes, pistolet à poudre à la taille ainsi qu'une petite grenade qui savait faire son effet sans oublier bien évidement son intrépidité. On pouvait presque entendre une mouche voler, Caleb et James détaillaient le pont de leurs yeux bleus, parfois l'on songeait que c'était des frères, cela l'aurait pu si leurs mères n'avaient pas été conduites à l'échafaud pour les avoir enfantés. Ils n'en parlaient jamais, c'étaient des hommes, des pirates ! Tout le monde ici avait déjà vécu une tragédie, John venait de tuer sa femme parce qu'il l'avait vu avec un autre homme, Math' avait été l'otage des Amazone pendant deux ans et il n'a jamais plus parlé depuis ce jour, Jack avait perdu un bras et il voulait encore combattre pauvre fou, et James... Et bien sa fiancée c'était fait enlevée par le Sérac depuis bien trop longtemps, Caleb avait vu son ami se dégrader au fil que l'espoir de la retrouver en vie disparaissait... Le matelot ne s'était jamais entendu avec la fiancée de Milford, il ne l'avait pas du tout apprécié pour ainsi dire, Caleb et l'amour, une chose assez improbable, il n'était capable d'aimer personne au point de vouloir y être lié à vie. Non jamais, pourtant il était fiancé non ? Oui, mais certainement pas par amour, il le faisait pour des raisons stratégiques, le capitaine fort bien conseillé sur Rivers avait songé que seul lui pourrait accepter cette mission immorale, tout simplement parce qu’il n’en avait pas. Le timonier annonçait voir le bateau de la Colombe et beaucoup se mirent à rire méprisant cet équipage peu expérimenté. Caleb regardait James et lui lança de son humour assez particulier « Avec un peu de chance il y aurait ses crétins du Serac. ». Il porta un dernier coup de pierre ponce à sa lame puis se leva enfin, il laissa son ami là, ne se souciant pas vraiment de lui plus longtemps, Caleb aida les troupes à descendre les barques pendant que le bateau amarrait, Il poussa quelqu’un à l’eau, petite vengeance puéril mais ô combien satisfaisante. Personne ne lui disait jamais rien dans ses moments là, tout le monde savait qu’il avait besoin de se dépenser et parfois un peu de trop. Il ne manquait pas d’énergie à l’entrain, souvent on disait de lui qu’il était le mal en personne et en fait, il s’en fichait. Il y avait tellement pire que Caleb Rivers, il y avait plus fort, plus ambitieux. Lui, il voulait seulement profiter de la vie, car il ne savait pas vraiment ce qui l’attendait après, la mort ? Un grand mystère, mais il n’avait pas peur de celle-ci, au contraire, selon lui c’était la dernière aventure inévitable de la vie.

A bords de sa chaloupe, il laissa aux autres le droit de ramer pour lui. Il fixait l'ile au loin de ses yeux azur, des cannibales ? Il n'avait pas peur. Mais Lansalder avait dit d'y aller doucement, Rivers avait du mal à y aller doucement justement. Mais il obéissait tant bien que mal à son capitaine, il avait mit à l'abri des regards son pistolet et sa grenade, quand à son épée, il l'avait à la main. Est-ce qu'on lui demanderait de laisser son épée ? Est-ce qu'on demandait à un cannibale de retirer son collier en dents humaines ? Le jeune homme posa enfin un pied à terre, il apercevait le bateau de la Colombe amarrer un peu plus loin, ils pouvaient toujours courir, Rivers Vivant, il n'auront jamais la clé avant eux. ¨Les autres matelots fixaient Caleb qui était anormalement calme, craignant tous qu'il ne fasse quelque chose de vraiment stupide... Ils attendaient que tout le monde arrive sur la terre ferme pour partir à la recherche du village.

L'amazone était partit sur les flots, je ne savais pas vraiment si la destination du jour avait un sens, est-ce que la piraterie avait un sens au moins ? Habituellement non, quel fierté peut-on avoir à être pirate ? Gagner sa vie en dépouillant des gens qui ont travaillé pour l'avoir, je n'y voyais aucun intérêt, ce n'était pas dans mon optique, j'avais honte de faire parti de leur rang, je songeais que j'aurais mieux fait de dire la vérité, de mourir comme les autres et ne pas subir tout ça... A mon arrivé sur l'Amazone, personne n'avait voulu me croire, on disait que je n'étais pas un pirate, c'était vrai. Je n'en étais pas un. J'avais menti, j'étais un menteur. Je n'avais jamais mentit de la sorte, mais je n'avais jamais été confronté à ce genre de situation, j'avais eut tellement peur, les histoires que l'on racontait sur les pirates, les tortures dont l'on parlait, j'avais eu peur... Vraiment peur... Mais pourtant, la vie de pirate était une torture à mes yeux, j'étais en quelque sorte le bouc émissaire du bateau, j'avais le droit aux corvées les plus dur et aussi les plus dégradante, les femmes majoritaires sur le bateau m'avait dégradé à la soumission la plus totale, je n'étais plus un homme, j'étais une chose... Je leur appartenais, je faisais partit du bateau, je n'étais plus personne, je n'étais plus le même et je ne le serais jamais plus... Le vent soufflait dans les voiles, notre jeune navigatrice prenait les commandes du bateau, j'avais posé mes bras sur la rempare du bateau, je fixais l'eau qui défilait sous mes yeux et ma vie avec... Regardez ce que je suis devenu, il y en aurait tellement qui serait déçus, j’avais perdu toute ma noblesse, j’avais perdu ma fierté, j’avais perdu ma dignité... J’avais tué des innocents, j’avais pillé, j’avais frappé, j’avais torturé... Juste pour vivre... J’étais monstrueux. J’étais un monstre, j’avais honte de moi, de ce que j’étais devenu. J’avais prétendu avoir perdu la mémoire, de ne plus me souvenir de ma vie, des coutumes et des lois pirates, je disais me souvenir de mon nom, de mon âge et du fait que j’étais un pirate... On m’avait cru, pour la plus part. Aujourd’hui, plus personne ne doutait, j’avais fait mes preuves comme pirate. On ne doutait plus de moi, je ne savais même plus ce que j’étais. Je me trouvais juste horrible.

- Terre en vue !

Se mirent à crier quelques matelots, des voix féminines surtout, je relevais mes yeux sombres vers cette ile de cannibales... Tout ça pour une clé, tout ça pour un coffre, tout ça pour un indice. Juste un indice vers quelque chose qui n'existait peut-être même pas... La main de Midas. Croyance ou réalité ? Je n'en savais rien, mais je n'avais pas confiance, je n'y croyais pas vraiment, les légendes restaient des légendes. Mais les Pirates y croyaient, ils la voulaient, pourquoi vouloir la lune alors qu'elle est hors de portée ? Je soupirais puis je me retournais, il y avait de l'agitation sur le pont, j'apercevais la frimousse rousse du capitaine qui me fixait alors que je ne faisais rien, je détournais mon regard pour me mettre au travail avec les autres... Esclave... C'était ainsi que je me sentais. On criait apercevoir le bateau du Flambeau, la haine se fit entendre par les bouches des marins. Je soupirais, et dire qu'ils avaient pactisé pour trouver cet indice, de la pure folie... Ils ne tiendront jamais leur promesse de non agression, ils se détestaient de trop... Moi, ce qui m'effrayait le plus, c'était le Sérac. Allez savoir pourquoi... Je tirais à bout de bras une corde tout seul alors que plusieurs filles tiraient ensemble une autre, je me sentais légèrement seul au monde et exploité, je transpirais à grosse gouttes, j'en avais l'habitude... Pourquoi est-ce qu'elles me détestaient ainsi ? Je l'ignorais, les autres hommes me disaient que c'était parce que je me laissais trop faire, je songeais plutôt que c'était parce que j'étais différent. Mais au fond, je ne doutais pas qu’elles me protègeraient s’il m’arrivait quelque chose, et cela avait déjà eut lieu, il y aurait bien longtemps que je me serais éteint sans elles. J’avais appris à les connaitre et à m’attacher à elles malgré moi... La piraterie n’avait pas que le visage de la violence comme on me l’avait si souvent dit... Il fallait être pirate pour le savoir, c’était tout.

La main de Midas… Un rêve pour chacun ici, ou presque, à bord de l’Amazone. Presque, car le regard étrange d’un des rares matelots hommes ne m’avait pas échappé. Clark… Lui qui niait être un pirate, quand il avait embarqué avec nous. Pourtant, comme chacun et chacune d’entre nous, il avait pillé, massacré, torturé. Nous l’endurcirions ; un pirate trop sensible n’avait pas sa place à bord de notre navire. Sa conception du bien m’intriguait, mais j’avais une toute autre chose à laquelle penser… L’île était en vue, et nous n’étions pas les seuls pour cette course à la clef. Non loin, à travers la fine brume d’océan, le Flambeau glissait également sur les flots gris… Je supposais que d’autres équipages ne tarderaient pas à nous rejoindre, et, malgré le pacte passé avec le Flambeau, je sentais les marins haineux. Je n’avais, moi non plus, aucune confiance envers les écumeurs de ce rafiot, et la méfiance serait l’un des maître-mots lors de l’expédition à terre.

Sur ordre de notre capitaine, je désignai les marins qui descendraient sur l’île, et ceux qui resteraient à bord afin de garder l’Amazone. Je ne fis pas l’erreur de ne laisser que peu de membres d’équipage ; bien que les autres navires soient sûrement présents pour chercher, eux aussi, la clef qui mènerait à la main miraculeuse, je ne voulais pas prendre le risque d’une attaque où l’Amazone serait abordée, pendant que nous serions, pour la plupart, à terre.

Impatients, les femmes et quelques hommes aiguisaient une ultime fois les sabres, emplissaient leurs poches de poudre à mousquets… Bien qu’étant la plus jeune à bord, mon grade – et probablement mon sale caractère – m’assurait le respect de l’équipage. Impassible, je les fixai, pensive. C’était une fierté pour moi que d’être membre de ces pirates aux yeux doux, aux cheveux longs et aux lèvres pleines… Nous étions tout autant redoutables, sinon plus, que les hommes… Et en ces temps si inégalitaires, pouvoir saisir l’expression d’incompréhension dans les yeux d’un homme que l’on vient de transpercer de son sabre était particulièrement… satisfaisant. Un sourire féroce vint s’épanouir sur mes lèvres.

J’étais réaliste. L’arrivée jusqu’à la clef si convoitée ne serait certainement pas de tout repos, et nombre d’embûches se dresseraient à notre approche. Mais l’attrait de l’or enflamme les cœurs les plus lâches, et je savais que l’équipage de l’Amazone était bien loin d’être lâche.

Une fois à bord des chaloupes, j’indiquais la direction aux matelots qui ramaient. Là-bas, une barque du Flambeau progressait à la même vitesse que nous…

– Du nerf, bandes de mollusques enrhumés ! clamai-je, par-dessus le fracas du vent.

L’un d’eux me lança un coup d’œil mauvais, mais je lui jetai un regard menaçant et il sembla subitement trouver le plancher de la chaloupe digne d’intérêt. Les autres s’exécutèrent sans broncher, avec même, pour certains, une véritable ardeur qui faisait plaisir à voir. D’un ton narquois, j’apostrophais le matelot rebelle.

– Eh bien Johnson, ce n’est pourtant pas la mer à boire !

Mon mauvais jeu de mots fit rire quelques lèche-bottes, que je fis taire d'un sifflement sec. Je détestais les flatteurs presque autant que les lâches.

Bien que je ne ménage pas l’équipage, quand le capitaine me le confiait, je savais que notre relation n’était pas uniquement un rapport de force. Je connaissais chacun des membres, quelques-uns étaient même ce qui s’approchait le plus d’amis. Ils savaient qu’ils pouvaient se confier à moi, et que je ferai mon possible pour les aider. Ils étaient sous mes ordres, mais ils étaient aussi ma famille. Pour n’importe lequel d’entre eux, j’aurai été prête à faire beaucoup. Plus que pour quiconque d’autre auparavant.

Tandis que les rames tranchaient les remous de l’océan, mes pensées se retournèrent vers la main de Midas. Une main qui transformait tout ce qu’elle touchait en or… Tout… Un tel trésor me paraissait difficilement concevable, pourtant nombre d’entre nous y croyait sincèrement. Pour ma part, j’étais encore dubitative, il fallait le reconnaître… Mais plus que par appât du gain, cette quête me passionnait pour les aventures qu’elle promettait. Initialement, je m’étais engagée à bord de l’Amazone non pour faire fortune – bien que cela ne se refuse pas… –, mais pour vivre différemment que ces âmes en peine restées à terre. Je voulais une vie trépidante, dangereuse, violente. Et je l’avais trouvée ici, à bord de ce navire.